Jour du Seigneur

Dimanche, Furn el Chebbak se pare de ses habits de règlement de compte à OK Corral.

Mais ce qu’il y a de bien à Beyrouth, c’est qu’il y a toujours quelque chose à faire. Par exemple, réaliser la prophétie annoncée dans la nuit par la Môme. Aller à la plage.

Case culturelle avant. Le Musée National… Ah en voilà un nom bien pompeux comme on les aime. Déception néanmoins car derrière les colonnades lourdes et imposantes comme il faut, pas de photos de l’occupant égyptien/syrien accompagnées de légendes kitsch à souhait, pas d’images pieuses de la guerre civile, pas de peintures primitives de paysannes de la Bekaa, ni de vieux druzes sympas… La seule période fédératrice c’est la Phénicie. Je ne sais pas ce que ça vous évoque, moi Astérix et Obélix.

Donc du marbre, du marbre, des cailloux, et puis du marbre. Un petit dieu grec par là, une amulette par ici. Un musée à la scénographie impeccable, et propre comme un hall de mausolée soviétique.

La vraie découverte du musée c’est une amie de la Môme, qu’on surnommera Bleu. Un parcours assez iconoclaste, dont je me refuse à vous toucher mot, parce qu’elle l’a entouré de mystère, et qu’elle n’en dira rien à Beyrouth. Des affaires à l’orientale entre Mata Hari et OSS 117. Bleu parle donc géopolitique, Histoire, soif de découvrir le monde et compagnie. Entre deux statuettes en bronze, la scène ressemble à un Kieslowski matiné d’Eisenstein.

Après la culture, la plage. Parce qu’il ne faut pas perdre le nord -après avoir autant parler du Sud (ahahah!).

Pour atteindre la plage public il faut avoir fait un peu d’escalade, mais une fois qu’on y arrive, on a le plaisir de se retrouver face à une décharge géante, ce qui n’est quand même pas rien. Bleu a des lunettes bling-bling, la Môme (évidement) a des lunettes rétro (Jackie Kennedy+Alexandra David-Néel): mais tout le monde s’en fout parce que nous ne croisons que des hommes. Vieux et ensablés. Jeunes et roulant des mécaniques. Enfants cloownesques qui ont l’air de se demander ce qu’ils font là. Que des hommes en marcel, en caleçons de bain détrempés et sur le retour, des hommes fumant le narguilé au milieu des sacs plastiques à moitié déchiquetés et des paquets de chips en fin de vie, des hommes marchant sur le bord de mer en envoyant des textos (à qui? Pour dire quoi? Bonne question!), des hommes s’esclaffant entre eux d’un rire gras et poisseux, des hommes regardant l’horizon avec un air poète, des hommes regardant les touristes que nous sommes avec défiance, mépris, réprobation, fascination, excitation?

Que des hommes, et nous, évidement, on ne percute pas. Donc on déplie ses petits paréos, on fait tourner la solution hydro-alcoolique, on piaille, on choisit le meilleur angle solaire, … Rapidement une brochette d’hommes qui sortent tout droit d’une peinture socialiste avec leur musculature hyperprotéinée et leur dégaine rustre viennent nous dire d’aller bavarder ailleurs. Ici on les « dérange », on est « chez les hommes », et nous on doit aller « chez les familles ». Et puis d’autres trucs, mais je n’ai pas tout compris parce qu’ils parlaient très rapidement, et que le malheureux qui a tenté de traduire en anglais s’est fait rabroué direct par le chef du gang qui lui a jeté un « on est au Liban, on leur parle arabe! » très énervé (démonstration…). Il a eu de la chance de trouver deux arabophones, parce que sinon on ne comprenait rien et on continuait à le regarder avec des yeux comme des soucoupes -voire on les insultait parce qu’on croyait à des avances, Liban ou non.

Démarrage illico presto pour la plage « famille », environ… 20 Mètres plus loin. Même sacs plastiques, mêmes cannettes, mêmes mégots. Cadre exquis.

Au soir de cette charmante journée, apéro mondain sur le toit (le concept de « roof party » joue -à mon avis- à plus de 50% en faveur du Moyen Orient dans le coeur des expatriés) de Bambino, Sainte Bernadette et le Prince du bac à sable. Abrutissement de la faune vers 20h. Je regrette d’être venue en débarquant sur le toit à 21h, face à des bancs de mollusques visiblement trépannés dans l’après midi au « Sunday Market » (authentique marché aux puces sans touriste, à proximité d’un camp palestinien: tout ce qu’il faut pour les globe trotters qui se cherchent une autre cause que la défense de la veuve, l’orphelin et les drogues douces). Je suis arrivée en même temps que deux bombasses. Une Italienne carrément magique : accent, jambes de gazelle, yeux clairs, peau plus que caramel, rire à charmer Kim Jong Il, et conversation mondaine au top.

Entre les rageux de la plage et elle… Je suis un peu perdue côté féminisme. Ce n’est donc pas aujourd’hui que j’aurais un avis.

Sur une compile de Kitsuné (comment des mecs du Berry peuvent il connaître? Il n’y a plus d’entre soi!), la vase sortait des lèvres de tout le monde, un gloubiboulga de non-sens aussi légers que purement inintéressants. J’ai même brièvement eu une vision d’horreur: nous étions tous les yeux exorbités, l’écume aux lèvres déversant des propos absurdes avec enthousiasme dans une sorte de rite masturbatoire jouissif. Après je me suis reprise en main, et je me suis rappelée que 1- tout le monde aime ça, 2- c’est toujours ce qui se passe, 3-je ne suis pas normalienne, 4- je ne suis pas cynique, 5-who cares?

Bernadette parlait de Pétra, et du coup, je suis pas venue pour rien.

A propos Chloé

Tout juste 22 ans, espiègle et hardie. J'aime faire la télé et la regarder. Je veux devenir reporter de conflit, et que mes cheveux tombent toujours parfaitement sur mes épaules. France, Guyane, Liban, Israël, Cisjordanie, Estonie... New York, me voici. (last update: August - 2011)
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